↪️Vous vous êtes peut-être déjà trouvé démuni face à un raisonnement fallacieux, émanant d'un interlocuteur de mauvaise foi.
Si c'est le cas, cet article va vous intéresser à plus d'un titre. D'une part, vous y reconnaîtrez sans doute des situations vécues ; d'autre part, vous découvrirez des clés supplémentaires pour déjouer ces raisonnements fallacieux et enrichir vos stratégies de répartie. 😉
𝗤𝘂’𝗲𝘀𝘁-𝗰𝗲 𝗾𝘂’𝘂𝗻 𝗮𝗿𝗴𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗳𝗮𝗹𝗹𝗮𝗰𝗶𝗲𝘂𝘅 ?
Avant toute chose, je souhaite poser une définition claire de ce qu’est un argument fallacieux ou plus précisément un raisonnement fallacieux.
Un raisonnement fallacieux est un raisonnement incorrect qui a pourtant une apparence de validité logique.
⚠️ On distingue 2 types de raisonnements fallacieux :
𝟭.𝗟𝗘 𝗦𝗢𝗣𝗛𝗜𝗦𝗠𝗘 : « Argument qui, partant de prémisses vraies, ou jugées telles, aboutit à une conclusion absurde et difficile à réfuter » …. « Raisonnement vicié à la base reposant sur un jeu de mots, un argument séduisant mais faux, destiné à induire l'interlocuteur en erreur.» Définition du Larousse
𝟮. 𝗟𝗘 𝗣𝗔𝗥𝗔𝗟𝗢𝗚𝗜𝗦𝗠𝗘 : « Raisonnement faux dans sa forme qui apparaît comme valide, notamment à son auteur, lequel est 𝗱𝗲 𝗯𝗼𝗻𝗻𝗲 𝗳𝗼𝗶 , contrairement au sophisme qui est un argument fallacieux destiné à tromper.»
𝗗𝗮𝗻𝘀 𝗾𝘂𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝗰𝗶𝗿𝗰𝗼𝗻𝘀𝘁𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀 𝘂𝗻 𝗺𝗮𝗻𝗮𝗴𝗲𝗿 𝗼𝘂 𝘂𝗻 𝗰𝗼𝗹𝗹𝗮𝗯𝗼𝗿𝗮𝘁𝗲𝘂𝗿 𝗲𝘀𝘁-𝗶𝗹 𝗹𝗲 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗳𝗿𝗲́𝗾𝘂𝗲𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗰𝗼𝗻𝗳𝗿𝗼𝗻𝘁𝗲́ 𝗮𝘂𝘅 𝗿𝗮𝗶𝘀𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗳𝗮𝗹𝗹𝗮𝗰𝗶𝗲𝘂𝘅 𝗼𝘂 𝘀𝗼𝗽𝗵𝗶𝘀𝗺𝗲 ?
Il existe plusieurs dizaines de sophismes dont, pour la plupart, nous n'avons pas connaissance ni même conscience. Pour autant, une minorité de débatteurs y ont recours de manière régulière et de façon plus ou moins habile. Si l'utilisation de raisonnements fallacieux n'est pas de nature à ébranler votre leadership, le contexte dans lequel ils interviennent peut être source de déstabilisation.
Si les annonces de décisions font fréquemment l’objet d’argumentations fallacieuses, je m’attarderais sur les deux contextes les plus propices à ce genre d'assertions : la prise de poste et la conduite du changement.
𝗟𝗮 𝗽𝗿𝗶𝘀𝗲 𝗱𝗲 𝗽𝗼𝘀𝘁𝗲 : C'est votre premier poste en tant que manager et vous êtes nommé à la tête d'une équipe de collaborateurs expérimentés, mais dont certains sont qualifiés de « difficiles » à manager !
𝗟𝗮 𝗰𝗼𝗻𝗱𝘂𝗶𝘁𝗲 𝗱𝘂 𝗰𝗵𝗮𝗻𝗴𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 : Vous avez la charge de mettre en œuvre des changements contre lesquels une part non négligeable des collaborateurs les plus influents sont opposés. Votre manager a initié d'importants changements sans prendre le temps d'analyser correctement leurs impacts ou les modalités de mise en œuvre.
𝗟𝗲 𝗽𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲𝗿 𝗱𝗲𝘀 𝟯 sophismes 𝗲𝘀𝘁 𝗮𝗽𝗽𝗲𝗹𝗲́ 𝗹𝗮 « 𝗣𝗲𝗻𝘁𝗲 𝗴𝗹𝗶𝘀𝘀𝗮𝗻𝘁𝗲 » ("𝗔𝗿𝗴𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁𝘂𝗺 𝗮𝗱 𝗖𝗹𝗶𝘃𝘂𝗺" 𝗼𝘂 "𝗟𝗮𝗯𝗶 𝗶𝗻 𝗽𝗿𝗮𝗲𝗰𝗲𝗽𝘀").
𝗖𝗼𝗻𝘁𝗲𝘅𝘁𝗲 :
Dans le cadre du processus d’optimisation de la performance lancé par votre entreprise, vous annoncez l’introduction d'un nouveau logiciel de gestion de projet pour améliorer la productivité de l'équipe. L’un de vos collaborateurs prend la parole et déclare : « Si nous commençons à utiliser ce nouveau logiciel, nous allons devoir passer des heures à apprendre comment il fonctionne. Une fois que nous aurons investi tout ce temps, ils vont probablement mettre à jour le logiciel et nous devrons tout réapprendre. Ensuite, avec toutes ces complications, nous allons inévitablement rater nos délais sur les projets en cours. Finalement, cela pourrait même conduire à la perte de clients mécontents de nos retards. Est-ce vraiment le risque que nous voulons prendre ? »
⏱️Description :
Les propos du collaborateur exagèrent les conséquences potentielles d'une décision. Ce type de sophisme survient lorsqu'on affirme qu'une action entraînera inévitablement une série d'événements négatifs, sans fournir de preuve concrète que ces événements se produiront effectivement. C'est un raisonnement fallacieux car il repose sur des suppositions alarmistes et non sur une analyse logique et factuelle des conséquences probables.
La pente glissante est un raisonnement qui suggère qu'un événement mineur entraînera une chaîne d'événements négatifs plus ou moins catastrophiques.
😀 𝗧𝗿𝗮𝗶𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗽𝗼𝘀𝘀𝗶𝗯𝗹𝗲𝘀 :
➡️Option N° 1 Procéder par une analyse étape par étape :
Il vous faut réexaminer chacune des étapes de la pente glissante dont parle ce collaborateur afin d’évaluer leur vraisemblance.
Vous pourriez ainsi demander : "Quel lien fais-tu entre X Y et commun X entraîne Y ?" ou "Y a-t-il des facteurs qui pourraient empêcher Z de se produire après Y ?"
Cela permet de décomposer l'argument et d'en évaluer chaque partie séparément
➡️Option N° 2 Identifier les hypothèses sous-jacentes aux arguments énoncés
Identifie les hypothèses sous-jacentes à l'argument de la pente glissante. Souvent, ces arguments reposent sur des hypothèses pessimistes ou extrêmes. En les mettant en lumière, vous allez questionner leur validité.
Il existe d’autres options mais, les 2 que je viens de citer seront efficaces dans la majorité des cas.
𝗟𝗲 𝘀𝗲𝗰𝗼𝗻𝗱 𝘀𝗼𝗽𝗵𝗶𝘀𝗺𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝗮𝗽𝗽𝗲𝗹𝗲́ 𝗹𝗮 « 𝗴𝗲́𝗻𝗲́𝗿𝗮𝗹𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗮𝗯𝘂𝘀𝗶𝘃𝗲 𝗼𝘂 𝗵𝗮̂𝘁𝗶𝘃𝗲 » ("𝗗𝗶𝗰𝘁𝗼 𝗦𝗶𝗺𝗽𝗹𝗶𝗰𝗶𝘁𝗲𝗿").
Contexte :
Vous avez intégré, il y a plusieurs semaines, deux nouveaux collaborateurs dans votre équipe. Alors que leur intégration suit son cours, vous observez une baisse de la productivité. Lors de l’entretien individuel que vous conduisez avec l’un de vos plus anciens collaborateurs, vous lui faites part de cette baisse de productivité afin d’identifier les pistes d’amélioration à envisager. Ce dernier vous interrompt et vous déclare : « Les nouvelles recrues sont toujours moins productives, elles perturbent le rythme de travail de l'équipe, ne va pas chercher plus loin la raison de la baisse de notre productivité. »
⏱️Description :
Cette déclaration est une généralisation hâtive qui ne prend pas en compte les autres paramètres pouvant largement contribuer à cette baisse de productivité. Ce sophisme se produit lorsqu'une règle générale est appliquée à un cas spécifique sans tenir compte des exceptions ou des nuances particulières qui pourraient invalider cette application.
Une conclusion tenue pour vraie est tirée à partir d'un échantillon insuffisamment représentatif d’une situation.
Consciemment ou inconsciemment, son auteur ne prend pas à son compte la résolution de la problématique et risque de ne pas s’y atteler activement.
😀 𝗧𝗿𝗮𝗶𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗽𝗼𝘀𝘀𝗶𝗯𝗹𝗲𝘀 :
➡️Option N° 1 Questionner les preuves :
Demandez des preuves spécifiques qui soutiennent les propos de votre interlocuteur, ne vous contentez pas d’un élément qui risque d’être lui aussi trop général ou vague. En effet, les généralisations abusives s'appuient souvent sur des anecdotes ou des expériences personnelles limitées de leurs auteurs.
➡️Option N° 2 Rechercher les exceptions :
Souligner ou rechercher des exemples qui contredisent la généralisation. Les exceptions à une règle générale montrent que la réalité est plus nuancée.
➡️Option N° 3 Utiliser le langage précis et des questions ouvertes :
Utiliser un langage précis et des questions ouvertes :
Utilisez des termes plus précis et moins absolus, remplacez les affirmations catégoriques (jamais, toujours) par des formulations qui reconnaissent la diversité et la complexité.
Exemples : Préférez "certains" à "tous" ou "il peut arriver que" plutôt que "c'est toujours le cas".
Dans notre cas, vous pourriez poser la question suivante :
« Il est possible que l’intégration de nouveaux collaborateurs puisse influer sur notre production, mais est-ce que la baisse que nous avons subie il y a 6 mois était due à l’intégration de nouveaux collaborateurs ? Est-ce que d’autres paramètres sont à prendre en compte ? »
𝗟𝗲 𝟯𝗲𝗺𝗲 𝗲𝘀𝘁 « 𝗹’𝗮𝗽𝗽𝗲𝗹 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝗽𝗼𝗽𝘂𝗹𝗮𝗿𝗶𝘁𝗲́ », 𝗼𝘂 "𝗔𝗿𝗴𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁𝘂𝗺 𝗮𝗱 𝗣𝗼𝗽𝘂𝗹𝘂𝗺"
Contexte :
Un manager déclare à son équipe de chefs de projet : "Nous devrions adopter la méthode Agile pour nos projets. Elle va nous permettre de gagner du temps et d’être plus réactifs pour intégrer des modifications importantes. Je crois que nous n’avons pas d’autres choix car c'est devenu un standard, et toutes les entreprises de premier plan l'utilise."
⏱️Description :
Ce sophisme survient lorsqu'une personne affirme qu'une idée, une opinion, ou une action est correcte ou meilleure simplement parce qu'elle est populaire ou largement acceptée par beaucoup de personnes. Ce type de raisonnement est fallacieux car la popularité d'une pratique ou d'une croyance n'est pas une preuve de sa vérité ou de sa valeur.
En d'autres termes, le fait qu'un grand nombre de personnes croient en quelque chose ou agissent d'une certaine manière ne garantit pas que cette croyance ou cette action soit la meilleure, la plus fiable ou tout simplement vraie.
😀 𝗧𝗿𝗮𝗶𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗽𝗼𝘀𝘀𝗶𝗯𝗹𝗲𝘀 :
➡️Option N° 1 Evaluer la pertinence de la proposition sur des critères spécifiques :
Si vous êtes le collaborateur de ce manager, vous pourriez l’interroger sur les critères, les méthodes, et les modalités de déploiement liés à sa proposition. Votre objectif sera de proposer une approche basée sur les besoins spécifiques de l’organisation, les objectifs, et les missions du service plutôt que sur la popularité de la méthode.
Vous pourriez amener votre manager à s’interroger sur la pertinence de son argumentation de cette manière : "Je me suis intéressé à la méthode Agile et c’est vrai qu’elle est très populaire dans certains secteurs d’activité et pour certains types de projet. Qu’est-ce qui te fait dire que cette méthode est adaptée à nos types de projets et à notre organisation ?"
En procédant de cette façon, vous mettez en perspective l’effet de mode et la réalité opérationnelle avec ses priorités concrètes.
➡️Option N° 2 Rechercher des preuves concrètes :
Vous pourriez également attirer l’attention de votre manager sur les preuves attestant que cette méthode fonctionne dans des organisations similaires à la vôtre
2 raisons à cela :
1️⃣ Si une organisation similaire utilise la méthode et a démontré son efficacité, comment tirer avantage de son expérience ? Quelles sont les bonnes pratiques à connaître et les pièges à éviter ?
2️⃣ Si aucune entreprise similaire n'a mis en œuvre cette méthode, est-ce parce qu’elle ne répond pas à leurs besoins ou parce que personne n’en a encore trouvé la nécessité ?
Vous pourriez demander à votre manager « Je me suis intéressé à la méthode Agile et c’est vrai qu’elle est très populaire dans certains secteurs d’activité et pour certains types de projet. Quelles sont les organisations/entreprise similaires à la nôtre qui ont mis en place cette méthode ? Il serait intéressant de le savoir et dans la mesure du possible d’obtenir leur retour d’expérience… »
𝗤𝘂𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗿𝗲́𝗰𝗮𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻𝘀 𝗮̀ 𝗽𝗿𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗰𝗲 𝘁𝘆𝗽𝗲 𝗱’𝗶𝗻𝘁𝗲𝗿𝘃𝗲𝗻𝘁𝗶𝗼𝗻𝘀 ?
Avant de répondre, j’attire votre attention sur la nature de l’argument fallacieux : avez-vous à répondre à un sophisme ou à un paralogisme ? En effet, le sophisme, comme je l’explique, est volontaire et intentionnel, alors que le paralogisme peut être de bonne foi mais non intentionnel. Qui d’entre nous n’a jamais été séduit par un argument entendu et ne l’a repris à son compte ?
Il est nécessaire de vérifier que l’argument fallacieux de votre débatteur soit bien un sophisme pour y répondre avec la mesure nécessaire.
Dans le cas contraire, il s’agit simplement de démonter le raisonnement non pas pour lui mais pour tous ceux qui pourraient être influencés par ce sophisme. En d’autres termes, quand votre interlocuteur est seul avec vous, démonter un sophisme n’est pas une priorité. En revanche, si ce raisonnement peut impacter de manière significative les témoins de l’échange, faites le nécessaire.
Par ailleurs, si votre interlocuteur est coutumier des arguments fallacieux lors de vos échanges, saisissez l’occasion pour lui en faire part. Vous pourriez lui dire : "Je remarque que parfois nos discussions s'éloignent de l'argument central à cause de certains types d'arguments. Ça te dirait que l'on regarde ensemble comment identifier ces moments pour améliorer notre dialogue ?"
Vous pourriez également ajouter si besoin : "En fin de compte, notre objectif est d’avoir des discussions constructives où chacun d’entre nous se sent entendu et respecté, à travers l'échange d'informations et d'idées fondées sur des preuves".
𝗚𝗮𝗿𝗱𝗲𝘇 𝗹𝗮 𝗺𝗮𝗶𝘁𝗿𝗶𝘀𝗲 :
Gardez votre calme : Dans des situations comme celles-ci, il est important de rester calme et de ne pas se laisser emporter par l'émotion. Agir de manière constructive doit être votre principal objectif et, pour cela, vous devez rester ouvert d'esprit. Ainsi, même si vous êtes convaincu par vos arguments, montrez vous ouvert à la possibilité d'apprendre quelque chose de nouveau ou d'ajuster votre position en fonction de nouvelles informations. Cela peut encourager votre interlocuteur à adopter la même attitude.
Gardez le contrôle émotionnel : il est facile de se sentir frustré ou agacé dans ces situations, mais tenter de maintenir une attitude calme et respectueuse peut aider à garder la conversation productive.
Ces exemples illustrent de quelles manières des sophismes peuvent être utilisés pour résister au changement, manipuler des arguments, ou esquiver des discussions constructives. Quel que soit votre rôle dans l’équipe, manager ou collaborateur, il est essentiel de savoir reconnaître et répondre efficacement aux sophismes. Comme vous pouvez le voir, cela ne s'improvise pas. S'il est nécessaire d'acquérir quelques connaissances de base, s'astreindre à écouter l'autre, à se décentrer pour ne pas s'agacer face à ce type de manipulations est indispensable.